N° 3
SIENGSAMPHANH N° 5

TEMOIGNAGE DE EDMOND JOUBERT


LAOS : LE RETOUR ... 45 ANS APRES .

AVANT PROPOS .

Mon dernier passage à VIENTIANE remonte à 1954 . Les aléas de la vie et de ma carrière
ont fait que je n'ai jamais plus revu le LAOS , pays où je suis né en 1930 d'un mariage
franco-lao .
Appelé d'urgence au chevet de mon cousin Plathana CHOURAMANY , j'ai effectué un
voyage -express de 15 jours qui m'a permis de retrouver la terre de mes ancêtres et toute ma
famille lao qui m'attendait avec impatience par les uns et curiosité par les autres .
Malgré le temps et la distance , j'ai toujours gardé contact avec mon pays natal , notamment
jusqu'en 1979 , grâce à mon frère défunt , Honoré JOUBERT , magistrat qui a effectué une
carrière de coopérant au LAOS, de 1945 à 1975 . Bilingue parfait , professeur à l'Ecole
Nationale d'Administration et de Gestion , conseiller technique à l'Ambassade de France et
auprès du Ministère de la Justice lao , il a laissé un excellent souvenir à tous ceux qui l'ont
connu .
C'est grâce à lui et tous mes parents lao établis en France et au Laos que je n'ai jamais oublié
mes racines et mon pays natal .
Ces quelques lignes sur ce voyage-éclair m'ont été inspirées par mon cousin Plathana
CHOURAMANY , aujourd'hui décédé , son épouse Vieng Say , ses enfants , ses belles-
soeurs , mes cousins et cousines , que j'ai eu la joie de revoir au fil de mes déplacements ,
qui m'ont si bien accueilli et ont fait que je me sente partie intégrante de cette famille qui a
marqué la grande et la petite histoire de VIENTIANE et du LAOS .
Une mention toute particulière aux autorités lao : Soubanh SRITTRIRATH , Ministre auprès
du Président de la République et chargé de la francophonie au LAOS , le docteur Siho
BANNAVONG, Vice-Président du Front Lao pour la Construction Nationale , qui ont pris
le temps de me recevoir et de m'éclairer sur la situation du pays et m'ont autorisé à rapporter
, en toute objectivité, la vision d'un voyageur attentif et impartial . Mes remerciements au
Gouverneur de la Province de LUANG-PRABANG qui m'a ouvert les portes de cette ville
historique devenue perle du patrimoine mondial .
Toute ma gratitude et ma reconnaisssance à Khamphan SIMMALAVONG , ambassadeur
de la R.D.P. Lao.à PARIS et à mes amis de l'Union des Lao en France qui m'ont aidé à
retrouver le chemin de mon pays natal perdu de vue depuis si longtemps ... .

VISION D'ENSEMBLE .

Dès le premier contact avec le LAOS , les français se trouvent en pays ami et francophone :
* à l'aéroport , le mot ARRIVEE les accueille comme dans tous les aéroports de FRANCE
,
* en ville , le bâtiment dénommé LA POSTE abrite bien le même service public que chez
nous ,
* le français est encore parlé par des lao ayant connu la période où le français était langue
officielle et
administrative , certaines familles lao , dont la mienne , pratiquent toujours la langue française
, les
plus jeunes fréquentent l'école française .
Un journaliste français , de passage au LAOS , a utilisé une très belle phrase pour décrire cet
état de fait : " Un coeur français bat encore le long du Mékong ".
Une question à laquelle se mélait curiosité et anxiété m'a taraudé l'esprit durant tout le voyage
aller : "Est-ce que cela a changé? " .
La réponse m'a été donnée sur le trajet de l'aéroport vers la ville avec la circulation routière
où se mèlent velos ,vélomoteurs , motos , touk-touk , voitures et camions . Les rues de
VIENTIANE sont très animées mais l'effervescence y est typiquement lao elle n'a rien à voir
avec la trépidation moderne et occidentalisée des mégapoles voisines telle que BANGKOK
ou HO CHI MINH VILLE .
VIENTIANE , le soir venu , retrouve un calme à peine troublé par le chant des coqs : un
calme fait de sérénité , décence et réserve qui caractérisent et font le charme du peuple lao .
La réponse à ma question est : au LAOS , tout a changé dans la forme mais rien n'a
changé dans le
fond .

LES RETROUVAILLES .

Je me suis posé une autre question en foulant le sol de mon pays natal :

"Vais-je retrouver tout ce que j'ai connu autrefois ?"
.
La réponse m'a été donnée en déambulant dans les rues et les quartiers de VIENTIANE .
J'ai retrouvé le quartier du VAT ONG TEU , berceau de ma famille maternelle , j'ai revu la
maison sur pilotis où je suis né , juste à côté de la pagode entièrement rénovée où , avec ma
soeur Simone, nous avons organisé une cérémonie à la mémoire de nos parents disparus . Là
, le temps s'est arrété car rien n'a changé . C'est la même impression que j'ai ressentie dans
les pagodes que j'ai revues :VAT SI SAKET , VAT HO PHRA KEO ... chacun de ces lieux
me rappellent des souvenirs d'une enfance et d'une jeunesse insouciante et heureuse .
J'ai retrouvé le MEKONG , majestueux et calme en cette saison , mémoire stable de la ville
, témoin de l'histoire du LAOS de ses joies et de ses peines , miroir quotidien des couchers
de soleil sur VIENTIANE depuis toujours ..
En parcourant la ville on est frappé par la diversité des styles architecturaux qui se cotoient
sans choquer car ils racontent l'histoire de VIENTIANE : maisons traditionnelles lao sur
pilotis anciennes ou modernes , constructions de l'époque coloniale qui confèrent un caractère
provincial à certains quartiers , constructions des années 60 , immeubles modernes qui
annoncent le 21ème siècle ...
Cette diversité fait que VIENTIANE est une ville des contrastes sur laquelle le temps n'a pas
de prise .
Le quartier du THAT LUANG illustre parfaitement cette constatation . En effet , du haut de
son socle , le roi SETTHATHIRAT semble monter la garde devant le stupa sacré et géant
qu'il a conçu en 1566 . Il contemple avec sérénité la vaste esplanade où , à coté des pagodes
édifiées au cours des XVIeme et XVIIème siècles , se dressent un monument au morts de la
révolution lao et un bâtiment , de construction récente , à l'architecture résolument futuriste,
qui abrite les représentants du peuple .
Du THAT LUANG à l'Assemblée Nationale il n'y a qu'un pas ... et pourtant 4 siècles les
séparent
L'image de cette grande place où le passé et le présent se cotoient harmonieusement a , pour
moi , la valeur d'un symbole : celui du LAOS traditionnel ouvert à la modernité .


VISION D'AUJOURD'HUI .. .

En 1954 , lorsque j'ai quitté la terre lao pour d'autres cieux... et un très long temps , je ne
savais pas comment allait évoluer ce pays indépendant depuis un an seulement . J'ai suivi en
spectateur attentif et impuissant son histoire faite de larmes et de sang . La fin des combats
entre américains et vietnamiens a mis fin au martyr du peuple lao écrasé par les bombes
larguées des B.52 à un rythme et une quantité qui place le LAOS au hit-parade mondial des
pays sinstrés de guerre avec le triste record inégalé à ce jour de 2 millions de tonnes sur
environ 10 ans . La ville de XIENG KHOUANG a été dévastée par ces bombardements
massifs .
La devise de la République Démocratique de Peuple Lao commence par le mot PAIX . Ce
premier mot est bien venu.. Le peuple lao a bien mérité de vivre en paix .

Une fois la paix retrouvée , il faut panser les blessures et reconstruire . C'est ce qui se fait
aujourd'hui
En FRANCE on a coutume de dire "PARIS ne s'est pas fait en un seul jour" cette formule
pourrait s'appliquer au LAOS . En effet , VIENTIANE offre le spectacle d'un vaste chantier
: rues en cours de rénovation , immeubles et maisons en construction : c'est l'image
dynamique d'un pays en marche .

Comme tous les pays , le LAOS dispose d'atouts et comporte quelques inconvénients .
Les atouts c'est la richesse du sous-sol , l'énergie hydroélectrique existante et potentielle ,
l'agriculture qui devrait passer du stade d'activité de subsistance à la création de richesse et se
tourner vers l'exportation , l'industrie naissante qui devrait développer le secteur de
transformation des matières premières , le commerce en pleine expansion , les services
d'hôtellerie et de restauration (le PLAZA HOTEL de VIENTIANE mérite un label
international) , le tourisme en pleine expansion , avec des structures d'accueil nouvelles ,
mérite une attention toute particulière car le LAOS est , à ce jour , un hâvre de paix et de
sérénité . L'exemple de ses voisins ravagés et défigurés par le tourisme de masse est à écarter
.
Les inconvénients sont liés à la position géographique du pays au relief tourmenté ,
partagé entre vallées , plateaux et montages et surtout l' absence de facade maritime . Cette
configuration a été , de tout temps , un handicap pour l'aménagement des liaisons terrestres .
Dans ce domaine , des efforts sont faits pour désenclaver le pays (pont de l'amitié vers la
THAILANDE , amélioration du réseau routier vers le Nord , le Sud , vers le VIETNAM;;; )
tous ces chantiers et ces projets témoignent d'une volonté de développement économique et
humain .
Enfin en prélude à l'année du tourisme des croisières sur le MEKONG sont en service et
permettent de découvrir, au fil de l'eau, des sites historiques mais aussi des villages
typiquement lao particulièrement accueillants dans lesquels on découvre "le LAOS profond"
et une population qui offre ses produits d'artisanat avec un sourire épanoui et une gentillesse
naturelle qui m'ont accompagné tout au long de ce voyage au pays natal .

C'est sur cette image sereine que j'ai quitté le LAOS en laissant derrière moi un sentiment de
visite inachevée mais aussi et surtout un immense espoir de retour aux sources de mon passé

Fait à ATHIS-MONS , le 20 mars 1999 .


( la suite de cet article est dans SIENGSAMPHANH No 6 )

BIOGRAPHIE DE EDMOND JOUBERT EST SUR NOTRE PAGE
MEDAILLE DE L'AMITIE POUR EDMOND JOUBERT

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